9 déc. 2012

La dame en violet

Un des personnages de la pièce de théâtre Knock, de Jules Romains, est décrite comme plutôt âgée, issue de la haute bourgeoisie, et habillée en violet.



Rien n’oblige un metteur en scène à suivre les indications données en plus du texte, mais il se trouve que ce personnage portera certainement un costume violet et très en retard en termes de mode. Contrairement aux autres, qui seront vêtus comme en 1920/1925, la dame en violet n’aura pas évolué avec son temps, et sera restée habillée comme en 1880/1900.

Le patron utilisé pour créer ce costume est une "robe à tournure" Burda 7880. Je précise tout de suite que je ne suis pas du tout fan des patrons Burda, qui par économie de temps et de papier, ont minimisé la taille de la notice explicative. Il faut être sacrément imaginatif pour deviner comment le costume se monte. Ceci étant dit, c’est un beau costume.






Tissu: du coton violet (simple et peu coûteux) principalement
Mercerie: galon noir, boutons décoratifs, …

La jupe principale: une jupe que j’avais déjà réalisée à partir du patron Simplicity 3782 ou 2589 que j’utilise toujours pour les jupes, mais en utilisant seulement deux ou trois panneaux au lieu de cinq ou six pour une jupe style Tudor par exemple.



                                          Détail de la ceinture


Détail du galon sur l'ourlet


La sur-jupe: composée de deux parties, un faux-cul bouffant ou "bouillonné" à l’arrière et un panneau arrondi sur le devant. 



Ce qu’il aurait fallu faire en théorie: fabriquer ces deux pièces avec deux épaisseurs de tissu, pour faciliter la création des plis et des fronces et donner plus de volume.
Ce que j’ai fait dans ma grande paresse: utiliser seulement une épaisseur et jouer à MacGyver pour le reste.


Panneau arrondi: assez simple, il suffisait de faire des plis sur les côtés pour faire plisser tout le panneau (trois gros plis transversaux). J’ai ensuite fait un ourlet sur lequel j’ai cousu un galon noir décoratif.






Faux-cul bouillonné: en théorie il fallait plisser le tissu avec de la ruflette et des anneaux, puis attacher les anneaux du faux-cul à des anneaux cousus sur la jupe, placés plus haut pour créer un effet "bouillonné" (c’est hyper clair comme explication, je suis sûre...cf le schéma du patron, plus haut, on voit bien les emplacements des plis et anneaux). En pratique, j’ai plissé le tissu avec des points cousus à la main, puis j’ai créé l’effet bouffant en attachant les plis à un ruban caché sous la jupe.



 Etape 1: attacher plusieurs plis ensemble avec un point solide.
Faire deux rangées de trois.

Etape 2: Attacher les points ainsi créés à un ruban, afin de les faire remonter et donner l'effet bouillonné souhaité (le mieux c'est d'essayer, pour comprendre la logique !)



Effet final du faux-cul


Ensuite, j'ai cousu ensemble le panneau avant et le faux-cul afin de pouvoir enfiler rapidement et en une seule fois la sur-jupe. Pour finir, il fallait créer une ceinture pour la jupe (déjà fait) et pour la sur-jupe. Comme d'habitude je fais une ceinture dans le même tissu que le reste et je la couds comme un large biais.


Sous cette jupe, on ajoute encore plus de volume à l'arrière de deux façon: soit avec un coussin rembourré (patron du coussin fourni) placé sur les reins, pour relever la jupe et les plis bouffants, soit avec une crinoline qui donne du volume uniquement vers l'arrière, spécifique de la mode des années 1860-1900 et qu'on appelle "tournure". J'emprunterai celle de mon théâtre.


Prochain épisode : la veste


2 déc. 2012

Le défi couture 2012/2013



Après le corset/crinoline et le pantalon-jupe, le défi «costumes de théâtre » pour 2012/2013 est :


*Roulement de tambour pour faire grimper le suspense*

Confectionner des robes années 20 ! (oui! Comme dans Downtown abbey!)


*Instant d'euphorie passager suivi de la soudaine réalisation du travail que cela représente*

Apprenant la nouvelle je me suis immédiatement lancée à la recherche d'inspirations et de patrons. Visiblement les patrons pour les robes années 20, ça ne court pas les rues, mais en cherchant bien, j'ai fini par trouver ça :

Silver gray satin two-piece ensemble
Light french blue silk crepe faille cocktail dress
Light blue pinstripped cotton house dress
Cream silk tennis dress

Ca devrait permettre d'avoir des patrons corrects pour commencer, puis faire des variations sur un même modèle en s'inspirant des gravures de mode de l'époque pour ce qui est des coupes et des couleurs.

Après moultes recherches sur le sujet (comprendre "google images") il semble que la mode féminine des années 20 rime avec : robes droites, silhouette longiligne, chapeaux cloche, taille basse, inspirations art déco, greco-romaines et exotiques. 


















C'est aussi la fin de l'ère des corsets, qui marque une certaine libération du corps de la femme (bien que l'idéal d'une silhouette longiligne les ait finalement contraintes à porter des gaines tubulaires à la place, alors laissez moi rire...)



C'est donc parti pour une série d'épisodes sur «comment faire des robes années 20 quand on sait pas comment s'y prendre » !

Pour partir en villégiature...


Pour une pièce de théâtre l’an dernier (Goldoni – La manie de la villégiature), j’ai dû réaliser un pantalon très large et très fluide, en tissu blanc cassé ou beige. Un pantalon large était disponible dans le théâtre mais je trouvais la coupe très disgracieuse.

J’ai essayé un patron du commerce pour pantalon large, mais sans succès : la coupe était près du corps au niveau des cuisses, et l’aspect « jambes d’éléphant » était toujours présent.
Il a fallu mettre à exécution le plan B : dessiner le patron moi-même en mélangeant un panneau latéral d'un patron de jupe longue (jupe du patron Tudor/Elizabeth I, que je réutilise pour faire plein de jupes en variant l'ampleur de la jupe selon le nombre de panneaux cousus ensemble) et le patron du pantalon large.

Patron "hybride"

J’ai donc dessiné la partie « pantalon » pour la taille et l’entrejambe, puis superposé la partie « section de jupe longue » afin d’obtenir une forme plutôt en trapèze. J’ai ensuite fait un ourlet à la longueur voulue (j’avais volontairement pris beaucoup de marge).

Pour la fermeture arrière, j’ai utilisé le système que j’ai adopté pour les jupes longues : laisser 15 cm de couture arrière ouverte, coudre un biais le long de cette ouverture, fermer par une attache.

Le tissu utilisé est un coton très fin et un peu satiné, de couleur beige.

Le résultat a été à la hauteur de mes espérances : un pantalon/jupe très agréable à porter, très fluide et élégant. Cela correspondait à l’allure souhaitée pour le personnage, tout ça avec une paire d’escarpins beige vernis anglais avec 10cm de talon (heureusement, une scène de théâtre, c’est anti-dérapant).




17 nov. 2012

Lectures intéressantes - épisode 2


Dans un précédent article, je parlais de deux livres dédiés aux corsets, qui m’avaient plus ou moins convaincue. On ne peut pas dire que je les aie beaucoup utilisés depuis. Je n’ai pas réussi à créer un patron à ma taille à partir des patrons proposés, et j’ai laissé tomber jusqu’à nouvel ordre.
J’ai deux autres livres de couture dans ma collection : le manuel pratique de la couture (Hachette) et Historic costumes and how to make them.

Manuel pratique de la couture – éditions Hachette
Ce livre est une bible pour les couturiers en herbe. Tout y est expliqué et passé en revue : les tissus, les patrons, le matériel, les points, les coutures, les ourlets, les manches, les cols, les plis, j’en passe et des meilleures. Le tout est agrémenté de très nombreuses photos et schémas qui permettent de comprendre rapidement de quoi il est question.



Historic costumes and how to make them – Mary Fernald, Eileen Shenton
Ce livre est en anglais. Il est tout petit et assez court et décrit dans les grandes lignes, les costumes historiques, depuis le moyen-âge jusqu’au 19ème siècle. C’est en noir et blanc et il y a peu d’illustrations. Les patrons sont dessinés à la fin du livre, d’une façon assez basique, sans mesures autres que l’échelle générale : 1/8ème . Je n’ai pas encore essayé de créer un costume à partir de ce livre (rebutée par l’absence de mesures plus précises) mais il semble que les patrons soient très fiables et probablement faciles à utiliser pour les couturiers aguerris (pas comme moi).


22 oct. 2012

Downtown abbey

Je me rends bien compte que je délaisse beaucoup ce pauvre blog ces derniers temps... c'est ça aussi d'avoir une vie trop passionnante, on n'arrive plus à tout faire ! Par contre, pour regarder des séries télé sur internet, il y a toujours le temps...

Dernièrement j'ai découvert une nouvelle série trop bien : ça s'appelle Downtown Abbey, ça se passe en Angleterre dans les années 1910-1920, ça suit les vies d'une famille noble et de leurs serviteurs, et bien entendu...il y a de superbes costumes (qui ont gagné des Emmy Awards, rien que ça).

Alors évidemment ça fait rêver...

  


A regarder sans modération...

28 juil. 2012

Chapitre 8: 1580 - A la Cour d'Angleterre

Pour en avoir déjà parlé dans cet article, les costumes des films "Elizabeth" (portés par Cate Blanchett dans le rôle titre et réalisés par Alexandra Byrne) me font baver d'admiration.



Un jour que je n'avais VRAIMENT rien d'autre à faire, je me suis aveuglément lancée dans la réalisation d'une robe style Elizabeth I, comprenant : la crinoline, le corset, la sous jupe et la sur jupe. Le total look.


1) Préparation psychologique préalable

Pour les recherches en amont, je me suis principalement basée sur la mine d'information qu'est le site internet elisabethan costume.
Pour les patrons, j'ai utilisé : Simplicity 3782, Simplicity 2589 et Simplicity 2621.


Pour le choix des tissus et des couleurs, ça sera bleu nuit et or, histoire de bien faire "royal".

2) Fournitures scolaires

En termes de tissus, je m'étais naïvement imaginée que de la soie sauvage ferait un effet des plus admirables... c'était oublier que la soie sauvage, ça coûte approximativement 12000€ le mètre (j'exagère un chouya pour l'effet dramatique) et que ça allait me coûter un bras ou deux. J'ai donc fait un compromis : soie sauvage couleur or pour le panneau du devant (petit) et tissu synthétique bleu foncé pour le reste.
Mercerie : quelques mètres de galon bleu et or dégotté comme d'habitude chez calontir trims.

Pour la crinoline: du coton blanc et plusieurs mètres de baleine à crinoline.

3) Dessous coquins

En 1580, pour avoir la classe, il faut une robe avec un max de volume, style meringue ou cloche de cathédrale. Pour draguer le jeune chevalier, il faut maximiser le mètre cube et peiner à passer les portes (sans parler des pauses pipi... la prouesse technique reste encore inégalée aujourd'hui).

Pour ce faire, l'accumulation de jupons ne suffisant pas, on a recours à: une crinoline, c'est-à-dire une cage formée de cerceaux cousus sur un jupon.
La forme de la crinoline donne la forme de la jupe. A cette époque, la forme conique est prisée.

En pratique, coudre les parties en tissu n'a pas pris longtemps. Le problème a été de dompter les cerceaux de fer. La baleine à crinoline c'est très épais et je n'avais pas d'outil suffisamment gros pour la couper...donc ça a été un massacre dans le salon.
Autre point important: il faut coudre des bandes de tulle au niveau de chaque cerceau pour ne pas que ceux-ci se voient sous les jupes.



Pour le corset élisabethain, il est triangulaire sur le devant et j'en ai déjà parlé en détail ici.



4) Jupe du dessus, jupe du dessous

Le top de la mode à l'époque c'était de superposer les jupes: la jupe du dessous porte un panneau frontal que ne recouvre pas la jupe du dessus et qui contraste avec elle.

Coudre une jupe ample c'est en fait très simple: on coud ensemble plusieurs panneaux de tissus en forme de trapèzes, puis on fronce le tissu au niveau de la taille jusqu'à obtenir le diamètre du tour de taille souhaité.
Faire des fronces ça veut dire faire des plis les uns sur les autres. Cela raccourcit le diamètre de la jupe.
Il est plus facile d'y arriver en utilisant un mannequin de couture réglable et d'épingler les plis directement dessus.


Exemple de plis épinglés sur le mannequin de couture



5) Corsage et manches

Là j'avoue j'ai manqué de patience. Ras le bol de la robe elisabéthaine et de son patron à 42 pièces !
J'ai un peu bâclé le corsage, je pense notamment qu'il aurait fallait fallu l'entoiler et le baleiner pour le rigidifier, mais j'ai eu la flemme tout simplement.
Pour les manches, c'est pire, je n'ai pas tout cousu, juste la manche principale, et en plus je ne les ai même pas attachées au corsage pour que ce soit définitif...
En conclusion, pas de quoi se vanter sur ce coup là, mais heureusement quand on coud dessus un beau galon, ça fait trop classe et ça cache la misère.


Là on voit bien les cerceaux sous le tissus : d'où l'intérêt d'ajouter du tulle !


6) Conclusion

- C'est impossible à enfiler seule, il faut les écureuils de Cendrillon pour aider, mais ils sont pas toujours dans de bonnes dispositions.
- Ca tient chaud
- Une crinoline c'est vraiment encombrant
- Le résultat n'est pas fantastique d'une part à cause du corsage qui aurait mérité plus de sérieux et d'autre part parce que le style est au final trop médiéval, pas assez élizabethain

MAIS

- C'est beau !